La France et le Portugal ne sont jamais entrés en guerre. On pourrait alors penser que l’accostage en catastrophe du Soleil d’Orient au Mozambique ne pouvait pas dépasser le stade des négociations amiables.
Au Siam, en Inde et en Afrique orientale, si l’on se réfère à la bulle papale du partage du monde entre l’Espagne et le Portugal déjà citée dans le chapitre consacré à Tachard, Le Soleil d’Orient naviguait en zone portugaise. Dans cette zone, le Portugal possédait des comptoirs ou des territoires à Macao (Chine), Goa (Inde) au Timor Oriental, à Malacca et au Mozambique.
C’est d’ailleurs au Mozambique que le Soleil d’Orient dut faire escale et demander l’accueil par suite d’une voie d’eau.
Au départ, à titre d’accueil, les Portugais ne réclament que quelques marchandises issues des cabotages du navire en Inde notamment et reçoivent, en échange de leur hospitalité, surtout de belles étoffes.
Il est attesté que l’équipage du Soleil d’Orient, après avoir eu la mauvaise idée de débarquer malgré les instructions reçues, fut décimé dans sa quasi-totalité par la malaria.
En investiguant un peu, on retrouve dans un document intitulé « Wreck » le Soleil d’Orient dans la liste des bateaux portugais. Autrement dit, la marine portugaise s’attribuait la propriété du Soleil d’Orient et des biens à son bord. A partir de là, deux hypothèses se dessinent. Le Soleil d’Orient est resté au Mozambique comme cadeau forcé d’un équipage français très minoritaire et peut avoir été échangé contre un autre navire pour repartir. C’est un autre bateau aurait fait route vers la France, voire le Portugal.
Un gros « grain de sable » vient cependant infirmer cette hypothèse. En effet, le navire s’arrête à Fort-Dauphin (Madagascar) pour réparation d’une nouvelle voie d’eau, soit pour le même motif que le Soleil d’Orient au Mozambique. Le bateau stationne longtemps à Madagascar, alors qu’il transporte l’ambassade de Siam à son bord avec des cadeaux évalués à 18 millions d’euros. Il y a urgence à aller trouver l’appui de Louis XIV et de la marine française. Cependant, rappelons-le, l’équipage est majoritairement portugais.
Tout se passe comme si l’équipage du Soleil d’Orient, qui a pour souverain un roi autre que Louis XIV, était content de faire du tourisme dans cette ville belle et ensoleillée et se réjouissait d’y étaler les fruits de son commerce. Qu’est devenue l’Ambassade de Siam ? Quel usage a été fait des trésors qu’il transportait ? Les Portugais auraient-ils acheté l’hospitalité des Malgaches avec les cadeaux destinés à Louis XIV ? Auraient-ils fait exploser le navire en pleine mer pour clôturer l’histoire et empêcher le navire de prendre un chemin qui ne servait aucunement leurs plaisirs et leurs intérêts ? Dans ces conditions, les recherches pour retrouver tant le Soleil d’Orient que son trésor au large de Madagascar pourraient s’avérer vaines et coûteuses.
L’hypothèse d’une mutinerie face à un trésor qui aurait tourné la tête à une grande partie de l’équipage n’est pas à exclure. Dans cette région de Madagascar, peut-on retrouver un nombre significatif de personnes d’origine ou d’appellation portugaise, descendants des membres de l’équipage du Soleil d’Orient ? Si oui, en garderaient-ils un souvenir transmis par leurs ancêtres ? Je sais par expérience que les Portugais se mélangent assez volontiers avec les populations locales.
Voies d’eau au Mozambique puis à Madagascar, effectifs surtout portugais, navire recensé parmi les bateaux de la marine portugaise, aucun intérêt pour les Portugais à faire arriver le bateau en France, mais très gros intérêt à se partager le butin d’un prestigieux bateau qui n’arrivera jamais à destination pour son ultime mission. On comprend alors mieux le gros malaise de l’époque autour de ce navire, alors qu’il était supposé commercer prestigieusement en Orient en fleuron de la marine française.
Pour toutes les raisons qui précèdent, il est probable que c’est bien le Soleil d’Orient qui a quitté le Mozambique pour la France via Madagascar.
Dès lors, si on peut le retrouver au fond de l’Océan Indien, sera-ce avec le trésor du roi de Siam ?
A cette époque, Pays-Bas et Portugal se disputent la suprématie de l’Océan indien, ce qui relance les questions de la propriété et de la place finales du Soleil d’Orient. Tiendrait-il place dans un musée nautique portugais, vu qu’il n’a pas sa maquette au Musée de la Marine ? Pourrait-on alors trouver des développements intéressants sur le Soleil d’Orient au Portugal, voire au Mozambique ?
Toutes ces interrogations restent sans réponse certaine, mais permettent de mieux cerner les hypothèses relatives au sort final du navire. Comme le dit Pierre van den Bogaert dans le reportage de Thalassa consacré au Soleil d’Orient, « A force de chercher, on finit toujours par trouver. On peut…on doit le retrouver ! »
Sur un plan plus symbolique, le Soleil d’Orient se rapproche de la Toison d’Or ou de la Terre promise. Il suggère alors la reconnexion au Divin, représenté dans leurs pays respectifs par Phra Naraï et Louis XIV. L’homme, possède d’immenses possibilités, mais il en a perdu conscience. Elles ont sombré dans l’inconscient, comme le Soleil d’Orient avec ses richesses au sens large du terme dans l’Océan Indien. Elles sont toujours là, bien cachées. La seule certitude, c’est qu’en allant à la recherche de ces richesses, on finira par les retrouver, à condition de ne jamais s’arrêter de les chercher. Elles émergeront alors une à une avec des prises de conscience successives, signant une reconnexion de plus en plus puissante à sa dimension divine, but de sa venue en ce monde. Dès lors, les termes de la loi s’inverseront et il trouvera sans chercher.
C’est dans des dispositions semblables que nous pourrons un jour faire remonter à la surface le Soleil d’Orient. Dans le nom de ce galion, il y a le mot OR. A lui tout seul et à plus d’un titre, il constitue un trésor !